Les défis du magasin en recherche d’ubiquité

12 mars 2017 | Par

Les nombreuses études consacrées à l’usage du mobile durant les processus de shopping démontrent qu’une transformation profonde de la relation du client à son magasin est à l’œuvre.

On constate l’usage grandissant du mobile dans les processus de shopping:

  • En 2016, 71% des français ont utilisé leur mobile pour chercher des informations avant d’acheter,
  • 6,6 millions de français ont déjà acheté à l’aide de leur mobile,
  • le M Commerce a plus augmenté qu’aucun autre canal avec plus de 7 milliards d’euros (Source : Fevad, Sociomantic).

Cet usage ayant pour objectif une grande diversité d’opérations comme la navigation web, l’utilisation d’applications de marque, la localisation des enseignes et de leurs heures d’ouverture, la comparaison des prix et des offres promotionnelles, la disponibilité des produits en magasin, les avis clients sur les offres ou l’achat (Source : Google, M/A/R/C study, 2013).

Cet usage du mobile en tous lieux et toutes occasion transforme en profondeur toutes les phases du processus de shopping notamment l’émergence des motivations d’achat, la recherche d’information, l’évaluation des alternatives, l’achat lui-même ainsi que les comportements post-achat. Les études montrent ainsi qu’une grande majorité des visiteurs d’un magasin ont commencé leur shopping en consultant leur mobile ou tablette.

L’accès à l’information en tout point et tous lieux, grâces aux mobiles et aux tablettes, transforme en profondeur la géographie du magasin. Traditionnellement centré sur sa frontière physique et sur le parcours du client dans ses murs, le magasin doit, à l’ère du mobile, transformer la façon dont il définit et construit son périmètre externe et interne.

Les expérimentations récentes d’IKEA créant un catalogue proposé en application 3D, permettent de visualiser un meuble chez soi, de visionner des vidéos d’ambiance, d’installer les meubles sur un plan de pièce. Ce faisant, on comprend que le magasin se déplace chez le client. La frontière du magasin n’est donc plus cet espace délimité par ses murs, espace où il convient d’attirer le client pour espérer un achat. Le périmètre du magasin digital doit inclure tous les contextes dans lesquels un client potentiel conduit tout ou partie du processus d’achat. Les frontières extérieures du magasin digital incluent alors toutes les situations d’interaction avec ses clients potentiels.

De façon similaire, les technologies digitales transforment la géographie interne du magasin. Le succès immense des pokémons montre que l’émergence de la réalité augmentée peut profondément modifier un espace auparavant déterminé par ses éléments tangibles. Là encore, il ne s’agit plus d’orienter les flux de client en jouant sur l’agencement intérieur, mais de construire sur le lieu de vente l’ensemble des interactions réelles et virtuelles qui vont constituer l’ensemble des briques de l’expérience client.

Définir ainsi le périmètre du magasin comme constitué de l’ensemble des processus d’interaction avec le client permet d’imaginer un magasin ubiquitaire, présent tant dans le monde réel que virtuel, dès lors qu’un processus d’achat est amorcé par un client. Cette conception suppose cependant de relever les trois défis suivants :

Le magasin ubiquitaire doit définir ses nouvelles frontières. Il s’agit de recenser l’ensemble des points de contacts ayant lieu avant, pendant et après l’achat et d’observer le contexte dans lequel celles-ci se déroulent. Chacune de ces points de contact constituant une des frontières du magasin, il s’agit de prendre en charge le processus d’interaction qui va dès lors se dérouler. Il faut souligner que l’invention de nouveaux points de contact multiplie les possibilités de rencontre client/magasin ainsi que le montre l’installation dans les métros de rayons Tesco en Corée, de Sorli en Espagne et de Woolworths en Australie.

Le magasin ubiquitaire doit idéalement être capable de générer, suivre et accompagner de multiples processus d’interaction. Le défi est alors d’arriver à orienter les flux de clients au travers l’ensemble des points de contact et de proposer pour chacun d’entre eux une interaction personnalisée et ajustée aux attentes et à un contexte spécifique (domicile, trajet, lieu de travail, etc…). On comprend que la multiplicité des occasions de contact et des contextes génère une grande complexité de situations à gérer et requiert de calibrer précisément les outils de l’interface (logiciels, applications, interface web, etc.).

La définition d’un magasin comme LE Lieu de toutes les interactions réelles et virtuelles avec le client suppose de repenser les ressources requises tant dans le monde virtuel que réel. Du coté virtuel, l’interfaçage complet entre les outils de l’interaction (sites web, applications, agents virtuels, publicités interactives, …) et les outils classiques de gestion des clients et des stocks s’avère indispensable et doit viser réactivité et cohérence des offres. Au-delà, la conception des flux d’interaction requiert de nouveaux savoirs faire centrés sur le design d’expérience client. Tout autant que le virtuel, le volet réel doit être repensé en profondeur.

Le rôle des personnels en contact avec les clients doit notamment intégrer l’expertise nouvelle d’un client surinformé. Au-delà, le lieu de vente doit intégrer les outils de la réalité augmentée qui permettront d’enrichir l’expérience sur le point de vente.

On voit ainsi que les outils ubiquitaires que sont mobiles et tablettes induisent une redéfinition en profondeur de la notion de magasin comme le lieu de rencontre de la demande et de l’offre. La définition d’un périmètre défini par la géographie des interactions, réelles et virtuelles permet de penser une offre cohérente, adaptée aux multiples contextes et situations au sein desquelles les clients sont immergés.

Elle permet en outre de réinventer le magasin, en créant ses nouveaux lieux, en enrichissant leur réalité, en exploitant de nouveaux imaginaires et en démultipliant ainsi les occasions d’interagir.

Par Eric Stevens