Comment valoriser la Data ?
« Comment valoriser la Data ? » A quelques semaines de l’échéance de la nouvelle réglementation européenne sur la protection des données, Henri Isaac, professeur associé à l’Université Paris-Dauphine, dresse un panorama actualisé des différentes problématiques à intégrer dans une entreprise pour valoriser les données qu’elle gère.
Pour atteindre sa dimension stratégique, ce levier de performance ne se borne pas au simple stockage de masse. Il s’agit d’un capital « vivant » dont la maitrise traverse l’entreprise dans tous ses compartiments comme le démontre ici Henri ISAAC.
Henri ISAAC : Mon propos s’est concentré sur une approche globale de la valorisation de la donnée. Aujourd’hui, on évoque que la donnée est le nouvel or noir du 21e siècle mais j’ai mis en avant que cette métaphore posait des problèmes. Le pétrole est une ressource rare et finie, la donnée ne cesse d’être créée. En ce sens, c’est presque une ressource infinie. L’éco de la donnée ne correspond donc pas à l’éco des matières fossiles. Par exemple, une donnée peut être traitée à plusieurs reprises, ce qui n’est pas possible avec les matières premières une fois transformées ou exploitées. Je voulais également mettre en garde l’audience sur la vision patrimoniale de la donnée. C’est ce qu’on appelle la dark data. La donnée est stockée et ne crée pas de valeur. La création de valeur réside toujours dans la circulation et son traitement.
Ce faisant, les entreprises doivent cultiver une approche globale qui entrelace trois niveaux : la stratégie, l’organisation, la maitrise technique.
Autrement dit, il s’agit de se poser les questions suivantes :
• Où réside la valeur ?
• Comment la collecter et la monétiser ?
• Comment l’organiser ?
Si on ne cultive qu’une vision technique évidemment on ne crée pas de valeur, de même pour les deux autres champs. Il faut avoir une vision cohérente et tripartite. Notons que la question technique est souvent maitrisée par les entreprises. Je suis toutefois revenu sur l’enjeu de la qualité des métadonnées. Car ce sont elles qui souvent permettent de faire émerger un service. La qualité des métadonnées est essentielle quant à l’extraction de la valeur.
La partie organisationnelle demeure une interrogation importante pour les entreprises. Trois points sont à souligner sur ce sujet :
• La qualité des données
• La compétence des data scientist : avec qui et comment on organise le travail des data scientist ?
• La question de la gouvernance de la donnée en lien avec la stratégie
Le sujet de la e-privacy avec la mise en place de la RGPD rend le sujet de la gouvernance très actuel. L’implémentation de ces nouvelles normes risque de faire prévaloir la conformité à la création de valeur. C’est un sujet qui renvoie également au sujet de la culture de la donnée en entreprise, tant au niveau exécutif qu’opérationnel.
Pour mettre en place un data driven Business model, le board et les différentes strates de l’entreprise doivent comprendre le sujet dont on parle pour permettre d’extraire et d’analyser une donnée de qualité. Ce faisant, les entreprises ne peuvent pas se limiter à nommer un responsable fonctionnel de la donnée.
Un sondage significatif réalisé par le site anglo-saxon Kaggle spécialisé dans la data science évoque les problèmes rencontrés chez plus de 7000 data scientist interrogés :
Le premier item concerne la dirty data, les données manquent de qualité.
Vient ensuite le manque de compétences, le manque de management et d’investissement financier, et ensuite le problème de compréhension au niveau stratégique.
L’autre point soulevé concerne l’organisation des équipes :
Différents travaux de recherches démontrent que les équipes projet ou métiers auxquelles on greffe des data scientist possèdent des résultats probants. Disséminer les data scientist est d’ailleurs un mode d’organisation généralisé chez les grands acteurs du numérique. Cela permet une meilleure intégration de leurs compétences dans le projet tout en permettant au reste de l’équipe de s’acculturer. Quand cela n’est pas possible, d’autres entreprises optent pour la mise en place d’un profil métier doté d’une appétence pour la data, qui aura pour mission de faire le lien avec la DSI. C’est ce que l’on nomme un data steward.
Propos recueillis par Geoffory Framery