Pour une vision stratégique de l’innovation relationnelle

18 mai 2017 | Par
Pierre Volle décrypte la notion d'innovation relationnelle

Le client est l’un des moteurs de l’innovation. D’une part, car l’innovation lui est destinée, il en constitue sa raison d’être, et d’autre part, car il peut largement y contribuer. L’innovation relationnelle – l’intégration des clients dans les processus d’innovation, si elle présente des limites et nécessite une véritable méthode, constitue un levier de performance.

Mais de quelle innovation parle-t-on ?
Pour beaucoup, l’innovation en relation client se limite au déploiement de dispositifs digitaux : les sites Internet et l’emailing il y a 20 ans ; les réseaux sociaux il y a 10 ans ; les applications mobiles et les technologies en magasins il y a 5 ans ; et aujourd’hui, les objets connectés. Ainsi, par exemple, dans le domaine de la mode connectée (« fashion tech »), les technologies digitales prennent des formes variées : le social shopping sur mobile, les vendeurs connectés, la réalité virtuelle en magasin, les vêtements augmentés, les « wearables » et autres « smart clothes ».

Repenser la proposition de valeur ou même les cibles

Cette vision de l’innovation, limitée au déploiement de technologies digitales, ne permet pas de comprendre la véritable dimension stratégique de l’innovation relationnelle et d’en exploiter toutes les opportunités. Certes, pour déployer de tels dispositifs, il est souvent nécessaire de repenser la proposition de valeur ou même les cibles (par exemple, avec la technique des « persona »). Mais l’innovation relationnelle, dans sa dimension stratégique, touche fondamentalement à la mission de l’entreprise. L’orientation de l’entreprise vers le client doit concourir à améliorer l’expérience vécue par les clients, mais également à repenser son modèle d‘affaires.

Lorsque l’innovation relationnelle conduit les entreprises à repenser leur mission autour des clients, ceci peut conduire, dans les cas les plus aboutis, à inverser la logique de création de valeur. Ce ne sont plus les entreprises qui créent de la valeur, ni même elles qui créent de la valeur avec leurs clients, mais bien les clients qui créent de la valeur en s’appuyant sur les produits, services et solutions proposées par les entreprises.
En exploitant pleinement cette opportunité, certaines entreprises peuvent alors devenir des « orchestrateurs » d’un réseau de valeur, au service de leurs clients.

Ainsi, par exemple, la mission d’Elior ne consistait plus seulement à proposer un service de restauration de grande qualité, mais à prendre en charge la pause-déjeuner de ses convives (pour se restaurer, mais aussi se détendre, se distraire, se cultiver…). Ceci conduit l’entreprise à devenir un agrégateur de services, dans une logique B2C2B plutôt que B2B2C. La mission se décline alors autour des axes suivants : « vous faire plaisir chaque jour », « faire de vos espaces de restauration des lieux de bien-être » ou encore, « amener la ville dans votre entreprise ».

Dans sa dimension stratégique, l’innovation relationnelle conduit également les entreprises à repenser leurs relations avec l’ensemble des acteurs du réseau de valeur, en particulier leurs collaborateurs et leurs partenaires.

Une amélioration consécutive pour une innovation relationnelle

En particulier, l’amélioration de l’expérience vécue par les collaborateurs (en termes d’environnement de travail, d’outils mais aussi d’autonomie) permet d’envisager une amélioration consécutive de l’expérience des clients.

Le succès de Starbucks, par exemple, s’explique en partie par son souci constant de mettre en cohérence l’expérience des collaborateurs et celle des clients. Comment pourrait-on offrir un tel degré de personnalisation si les collaborateurs étaient eux-mêmes considérés comme de simples exécutants ?

Pour lutter sans cesse contre les excès de l’automatisation (sans toutefois négliger la productivité), l’entreprise a notamment déployé un plan pour encourager la préparation manuelle des boissons (« handcrafted products »), redonnant au geste humain sa pleine légitimité dans l’univers de la restauration.

Pour finir, dans sa dimension stratégique, l’innovation relationnelle conduit les entreprises à repenser leurs relations avec une grande variété de partenaires (fournisseurs, revendeurs, prescripteurs…). En particulier, l’exploitation des données collectées auprès des clients permet aux entreprises de créer de la valeur pour leurs partenaires… mais aussi d’en capter en retour.

Ainsi, par exemple, l’application « Ski Pursuit » de Rossignol non seulement permet aux skieurs de suivre leurs performances sportives dans le temps, de retrouver leurs amis sur les pistes ou encore de partager leurs exploits avec leurs proches, mais elle permettrait également aux stations de ski d’indiquer aux skieurs le trafic sur les pistes, de leur proposer des parcours, de proposer aux skieurs de réserver à l’avance leur pause-déjeuner, etc.

Par Pierre Volle